Les mesures provisoires en droit international des droits de l’homme: la pratique de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples
DOI :
https://doi.org/10.29053/2523-1367/2022/v6a2Mots-clés :
African Court on Human and Peoples’ Rights, provisional measures, prima facie jurisdiction, urgency, irreparable harmRésumé
Dans des circonstances exceptionnelles, les juridictions internationales (des droits de l’homme) rendent des ordonnances portant mesures provisoires empêchant une ou plusieurs parties devant elles d’entreprendre certaines actions en attendant la décision au fond dans une affaire. L’objectif principal de ces ordonnances est d’éviter une situation dans laquelle le règlement définitif d’une affaire par une juridiction internationale est rendu totalement ou partiellement sans objet par le comportement
d’une partie. L’article 27 du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples envisage également la possibilité pour la Cour d’adopter, ‘dans des cas d’extrême gravité et d’urgence’, des mesures provisoires pour ‘éviter que des personnes ne subissent un préjudice irréparable’. La Cour, s’appuyant sur cette disposition, a jusqu’à présent rendu une cinquantaine d’ordonnances de mesures provisoires, toutes à l’encontre d’Etats défendeurs. Cette contribution examine la pratique de la Cour à cet égard, afin de mettre en évidence les incohérences de sa jurisprudence et de proposer des recommandations pour rectifier l’application parfois erronée de la procédure. Un examen attentif de la jurisprudence de la Cour révèle non seulement des divergences flagrantes d’approche, mais aussi, parfois, un recours inutile à ces mesures, même lorsque les situations ne justifient pas nécessairement leur adoption. Comme le montre la réaction de certains États, qui ont ouvertement exprimé leur refus de se conformer aux ordonnances de la Cour, le recours injustifié aux mesures provisoires est susceptible de rendre la procédure inefficace et d’affecter négativement la légitimité de la Cour aux yeux de ses géniteurs, les États. Par conséquent, la Cour
doit respecter pleinement et strictement les conditions juridiques et factuelles requises pour adopter des mesures provisoires et être toujours attentive à l’objectif et à la nature des mesures provisoires. La Cour doit notamment adopter une approche
équilibrée, sans être trop libérale ou trop stricte, car cela reviendrait à outrepasser son pouvoir ou à abdiquer sa responsabilité de protéger les droits de l’homme